Prison Valley de Philippe Brault et David Dufresne
Prison Valley, 13 prisons, 7 700 détenus, 36 000 habitants…
est aussi le sujet du dernier webdocumentaire produit par Upian et Arte.tv sur l’industrie carcérale américaine et plus particulièrement sur cette région reculée du Colorado, USA, devenue la zone de bannissement par excellence. Loin des yeux, loin du coeur, telle est la motivation des spécialistes de justice en charge de l’incarcération des détenus.
Ce road movie, dans lequel la route est un acteur à part entière du film, se veut participatif puisqu’il permet aux visiteurs de dialoguer entre eux, de visionner des documents, de donner leur avis ou encore de se connecter lors de tchats organisés chaque jeudi avec des personnalités de l’univers carcéral européen. Histoire de re-lancer le débat…
Road movie participatif aussi puisque l’internaute est, avec les journalistes, dans leur chambre, dans leur voiture, interrogeant les gardiens, shérifs et autres acteurs de cette organisation, il mène l’enquête à leurs côtés. Il doit même s’enregistrer pour prendre une chambre au motel de la ville. Point de départ de l’investigation et camp de base des enquêteurs. Ce compte ainsi crée permet, en outre, d’accéder aux bonus et de recevoir toutes les informations concernant les rendez vous avec certains protagonistes du film ou du sujet carcéral. Malgré un côté artificiel, où l’on peut s’interroger sur l’utilité de certains dispositifs, l’interactivité atteint, ici, un nouveau stade.
Le sujet est passionnant et l’enquête bien menée. La richesse documentaire y est, en outre, articulée autour d’un récit linéaire très lisible. L’internaute n’a pas besoin d’attendre la sortie télé pour voir ce film, en comprendre les tenants et les aboutissants, et le regarder d’un bout à l’autre si le coeur lui en dit. Un vrai documentaire avec toutes les fonctionnalités du web en prime.
Un film où l’on apprend qu’aux USA, un individu sur 100 passe par la case prison. Pourcentage beaucoup plus élevé pour certaines catégories de la population puisque un tiers des noirs et un sixième des latinos y font nécessairement un séjour. Où l’on apprend aussi que cette industrie est très rentable dans la mesure où elle gagne de l’argent sur la durée de séjour des prisonniers et qu’elle a même un certain pouvoir pour influencer les lois et les décisions de justice allant dans ce sens. Enfin, où l’on comprend que les prisons fonctionnent le plus souvent comme de grosses entreprises qui ne connaissent pas la crise. D’abord parce qu’on ne relâche pas de prisonniers en temps de récession économique, cela serait dommage de perdre son fond de commerce, mais qu’en plus, la main d’oeuvre y est surexploitée. À Prison Valley, les détenus fabriquent non seulement leurs propres geôles mais également les plaques minéralogiques de l’état… Une sorte d’esclavage moderne.
“L’Alcatraz des rocheuses, où même ceux qui vivent dehors vivent dedans” nous dévoile ainsi un pan d’un système économique vicié où tout est sujet à profit, même les individus enchaînés. Les enjeux politiques et économiques de l’incarcération de masse sont abordés sans langue de bois ni manichéisme. Pourtant, le fait d’être resté hors des prisons et quasiment sans témoignages de prisonniers, est tout de même très frustrant. Et ce, même si cette interdiction en dit long sur un système qui ne souhaite pas se dévoiler.
Prison Valley a été réalisé par Philippe Brault et David Dufresne et co-produit par Arte et Upian
Tous les éléments disponibles dans cet article sont visibles sur le site d’Arte
– http://prisonvalley.arte.tv/?lang=fr/
Les droits de propriété intellectuelle sur l’ensemble des éléments (animations, photographies, illustrations, images, textes, recettes, fiches techniques, musiques etc…) composant les éléments de cet article sont la propriété exclusive de leurs auteurs.
Cañon City, Colorado
Qu’elle était pas ouverte ma vallée…
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