Visions du Réel, SUPSI, i_doc workshop 2013 – Un retour sur le i_doc workshop 2013 au festival Visions du Réel de Nyon

Visions du Réel, SUPSI, i_doc  workshop 2013 - Un retour sur le i_doc workshop 2013 au festival Visions du Réel de NyonCopyright © idoc.supsi.ch

De retour du festival Visions du Réel où 3WDOC a été invité comme expert multimédia pour participer au “pitch” de 8 projets dans le cadre de i_doc workshop 2013, cela devait nécessairement l’objet d’une petite publication sur ce blog d’une part pour remercier une fois encore les organisateurs du festival de nous avoir invité et d’autre part pour témoigner de l’intérêt que cela a suscité chez 3WDOC de participer à une telle expérience. Si dieu nous prête vie, 3WDOC est de nouveau prêt à tenter l’expérience l’année prochaine ! Incha'Allah

Qui sont les organisateurs ?

On se devait d’en dire un peu plus sur les organisateurs de cet événement. La narration digitale et enrichie fait son trou dans le monde du documentaire, c’est une évidence, en Suisse comme ailleurs. Au même, titre que nous avons assisté à la projection à la SCAM de Alma – Une enfant de la violence, le monde du documentaire n’ignore plus rien du phénomène du webdoc. Avec Jean-Xavier de Lestrade, à la tête de la Société civile des auteurs multimédia (SCAM), cela n’a rien d’étonnant d’ailleurs !

Laboratory of Visual Culture – University of Applied Sciences and Arts of Southern Switzerland (SUPSI)

The Laboratory of Visual Culture (Department for Environment Constructions and Design – University of Applied Sciences and Arts of Southern Switzerland) is a centre that focuses on expressive and linguistic studies, design theory and techniques, tools and technologies for enhancing and communicating creative works and cultural heritage.

Visions du Réel – Doc Outlook-International Market

Visions du Réel is one of the most renowned International Film Festivals worldwide providing an overview of the best innovative Cinema du Réel. It is the most important in French-speaking Switzerland, and as one of the three main festivals in Switzerland (along with Solothurn and Locarno) to be recognised by the Swiss Confederation. The Festival offers a diversity of committed and inspired points of view in competitions for features, medium lengths and short films as world or international premieres.

Que retenir en quelques phrases de ce qui nous a été présenté. Eh bien voilà…

Une leçon de modernité

Tant dans la forme que dans le fond, tous les projets présentés sont intensément artistiques et technologiques donc complexes car témoigner du réel est devenu complexe tant la réalité est protéiforme et échappe à la catégorisation. Tous ces projets ont la volonté affichée d’appréhender certains aspects du monde dans lequel nous vivons (le stress, l’immigration, l’identité, la famille…etc) pour à la fois en donner une explication rationnelle et sensorielle. C’est le fait qui nous a le plus marqué : chaque projet semble hybride : artistique & documentaire. Chacun des projets combine à un dégré différent une installation artistique avec son corollaire d’expériences sensorielles et une expérience narrative pour rendre compte de la compléxité du réel. C’est totalement en phase avec notre époque et l’intitulé du festival. Ces projets nous ont donné une leçon de modernité et on s’en félicite.

Expérience Kinect

Le webdoc, c’est bien, il n’y a plus de doute mais What's next ?. En effet, avec la télévision connectée ou même une présentation d’Alma par Alexandre Brachet via son iPad, l’utilisateur est placé au coeur de l’expérience (UX), on ne nous donne plus à voir ou à comprendre mais à vivre. C’est cette nouvelle frontière que ces projets explorent ou que Upian explore aussi à sa manière. C’est difficile d’en dire plus car comment dire ? Il y a une fusion entre le sujet et l’expérience, on plonge au coeur de l’intime au risque de se perdre. C’est à la fois inquiétant et étonnant. Est-ce l’image qui nous regarde ou nous qui regardons l’image car tous ces projets recèlent une dimension kinesthésique. Cette exploration ne fait que commencer et elle redéfinit déjà la frontière entre le sujet (webdoc) et le je (utilisateur).

C’est pour cela que l’on parle de Kinect*, à ne pas confondre avec “Kleenex” qui joue justement sur la fugacité du sentiment. Non, toutes ces expériences méritent d’être vécues en effet l’utilisateur est multiple.

* Le mot-valise « Kinect » est issu des mots anglais « kinetic » (qu’on peut traduire par « cinétique ») et « connect » (qu’on peut traduire par « connecter »)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Kinect

http://fr.wikipedia.org/wiki/Kleenex

L’identité du moi ? Descartes 0, Hume 1

Sans trop s’asticoter avec la philosophie*, c’est un terrain glissant…
Il nous a semblé que tous ces projets nous dictent que nous ne sommes plus dans une époque cartésienne, la réalité est trop complexe, trop multiple comme le moi d’ailleurs. On entre donc dans une aire humienne, sorte de composé entre humaine et humide, en rupture avec le cogito cartésien.
Ce n’est plus “je pense donc je suis” mais “je vis donc je suis”.
C’est la gageure de ces projets de décrire le réel à l’aide de toutes les dispositifs possibles (webdoc, installation…etc) et ce n’est pas chose aisée de présenter le tout surtout en 6 minutes.

* “La philosophie est comme la Russie : pleine de marécages, et souvent envahie par les Allemands.” de Roger Nimier. Extrait du Le hussard bleu

En conclusion, il nous a semble que le futur du webdoc sera kinesthésique, sensorielle, émotionnelle, artistique, ludique bref unique comme chacun d’entre nous ! Pour revenir un peu plus dans le concret et mettre un peu d’ordre, c’est ce que dit Alexandre Brachet d’Upian (encore lui !), le webdoc est avant tout un point de vue. Il ne faut pas essayer de sur-déterminer l’utilisateur mais le provoquer par un choix audacieux et artistique.

Source : David Hume sur Wikipédia

Les participants avec projet (development lab)

Voici la liste des participants 2013 à la première édition du i_doc workshop, A Project Development Programme for Expanded Documentaries. Concrètement, 8 projets nous ont été présentés lors de cette séance de “pitch” à laquelle participait deux autres personnes en plus de 3WDOC : Marije Meerman (@marijemeerman), Christian Popp (@popphaiku). L’exercice est toujours difficile tant pour les participants, qui se doivent de faire court comme pour les “so-called experts” dont la curiosité a souvent été piquée mais faute de temps n’ont pas pu toujours approfondir/connaitre/convoiter le projet. Toutefois, un premier constat, tous les projets sont d’une intense créativité et explorent chacun les données du réel. Nous sommes à n’en pas douter au coeur d’une “désintermédiation du réel”, que l’on pourrait poser en ces termes : est-ce une histoire ou est-ce la vraie vie ? Il existe néanmoins la nécessité d’offrir une re-connexion, c’est l’idée force qui se dégage de ces “pitchs”. Un tel exercice en dépit de sa dureté pour les experts comme pour les participants est éminemment nécessaire car elle répond à la nécessité de confronter le réel à son expression comme le fut l’épopée de la pensée grecque (mathématique) et l’impérative obligation du récit comme le fut l’odyssée qui rendait palpable la raison face à l’infortune ou les hasards de l’existence.

On vous livre in-extenso les notes et les réflexions, forcément incomplètes, qui ont jalonné cette présentation. Merci à Josua Hotz (Nirinaso) de l’ECAL pour avoir préciser qu’il s’agissait de l’expérience de Milgram et mulţumesc à Ozana Nicolau pour son réalisme ou son fatalisme à la Cioran (@bieff_romania)

  • 1. “4 Stars” (Kinesis Film) de Fabio Ragazzo, Italie

    Un squat d’immigrés dans un hôtel 4 étoiles d’où le nom. Le projet part à la rencontre de cet environnement multi-ethnique. C’est une sorte de phalanstère. Le schéma narratif est simple et efficace, assez classique : 4 stars / 4 thèmes / 4 locations (ex : la cuisine, la chambre, le toit…etc).
    Deux remarques :
    Quelle temporalité pour ce projet, c’est à dire ou cela se termine ? Doit-on penser que c’est un “work in progress” avec une mise en ligne progressive et permanente ou un instantané figé dans le temps ?
    Sur ce canevas narratif, comment s’articule l’engament de l’utilisateur ? Une remarque très à propos de Christian Popp (@popphaiku)

  • 2. “Corporate Vikings”, The world in a nutshell (No Rational Product) de Henry Páll Wulff, Allemagne

    Sans doute un des projets les plus ambitieux et les plus aboutis dans la forme comme dans le fond qui nous a été présenté sur le cas de la faillite de l’économie islandaise. Excellente présentation concise, “catchy” même trop selon Christian Popp (@popphaiku).

    Toute la complexité et la modernité d’un sujet aussi ardu : une expérience traumatique, des modes d’expression innovants : spatial collusion, datajournalisme, real-time… Un très beau projet qui ne manquera pas de se faire.

  • 3. “i-f@milia” (Medio de Contencion Producciones) de Hector Ulloque, France

    Un projet sur les familles internationales qui se recomposent, émotionnellement et affectivement, grâce aux nouvelles technologies.
    Comment décrire le “être avec” émotionnel mais distant géographiquement par un dispositif astucieux. En clair, ce que le web permet, c’est une illustration très familiale et familière du global vs local. Les NTIC font mentir l’adage “Loin des yeux, loin du coeur.” Autres temps, autres moeurs.

    Le projet doit trouver un procédé visuel et narratif pour faire vivre dans une installation artistique cette recomposition familiale à distance. Cela est à chercher du coté des photographes comme Nicolas Henry / Les cabanes de nos grands parents. Voir http://www.nicolashenry.com/

  • 4. “In Panic” (alias film & sprachtransfer) de Niklas Hlawatsch & Bernadette Klausberger, Allemagne

    Un projet très construit, très pensé, remarquablement dense sur le phénomène de panique dans la foule. A partir de quel instant, la panique d’une foule est possible ? Dans ce projet, le son est un stimuli/élément déterminant de la perception du danger, notamment si il est question d’une installation. La sensation de peur est difficile à retranscrire dans un webdoc, surtout si cette peur est censée être collective alors que l’on est seul derrière son écran, c’est ballot.

    Quelques pistes intéressantes pour étayer le projet :

    • Un re-lecture de Masse und Macht (Masse et puissance) d’Elias Canetti semble approprié. Cela tombe bien c’est de l’allemand et il est enterré à Zurich en Suisse.
    • Une re-écoute du canular radiophonique d’Orson Welles inspiré par La Guerre des mondes de H. G. Wells est peut-être utile. C’est la rupture dans la normalité qui cause l’effroi, quelle soit sonore, visuelle ou sensorielle.

    Une installation, warum nicht ?
    Il faut trouver pour ce projet quelque chose d’aussi saisissant que l’expérience de Milgram, popularisé dans I… comme Icare d’Henri Verneuil.

    C’est quand le printemps ?
    Ne pas oublier la portée politique du projet, pensez à la révolution arabe, si la foule n’a plus peur, elle s’organise et la révolution devient possible…

    “Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte” (Victor Hugo)

    Quelques éléments scientifiques
    Des éléments scientifiques pour étayer la démonstration et qui pourraient admirablement servir le propos d’un point de vue de la datavisualisation. A lire, les travaux de Juliette Venel (Univ. Valenciennes) et les travaux de Bertrand Maury (Univ. Paris-Sud).

    On peut aussi présenter le tout comme une nouvelle de Georges Orwell, complotiste et kafkaïenne mais les allemands sont à la fois trop sérieux et cultivés & paradoxalement très habitués à la violence pour adopter un tel angle, je parle des auteurs. Chapeau bas en tous les cas aux deux auteurs. Wunderbar

    Again, thanks to Joshua de m’avoir rappeler la nom de l’expérience.

  • 5. “Sitting On the Fence” (Hugofilm Productions) de Christian Davi, Christian Stroehle, Melisa Muhtari, Suisse

    Un portrait très personnel de la minorité albanaise en Suisse et de la difficulté de construire son identité dans une double culture.
    Un projet très personnel à la fois par la personne qui la porte mais aussi par les producteurs qui s’y engagent.
    Les producteurs, Christian Stroehle & Christian Davi interrogent quant à eux leurs propres pays la Suisse sur sa capacité à intégrer ces minorités.
    Des dessins remarquables de Melisa Muhtari dignes de Marjane Satrapi.

    Il est évident que c’est un bon projet mais qui comme tous les projets très autobiographiques peuvent se révéler complexes à produire et à objectiver, c’est un problème de distance par rapport au sujet tant pour les producteurs que pour les auteurs d’ailleurs.

  • 6. “The Interpreter” (Inicia Films) de Mar Medir, Espagne

    Une réflexion sur le système de don d’organe en Espagne.
    Une infirmière multi-lingue qui initie la procédure du don.
    Une des choses qui marchent remarquablement en Espagne.
    La mort pour donner la vie.

    Un prisme remarquable pour aborder certains tabous de nos sociétés occidentales : la mort, le don d’organe… Un système de don qui marche remarquablement bien en Espagne, sans faire appel aux forces du marché, mais à des mécanismes de solidarité. Un référent moral dans une société espagnole en décomposition sous l’effet de la crise.

  • 7. “Yourmeaning” (Amka Films) de Vito Robbiani, Suisse

    Le sens de la vie vu par l’homme et la femme de la rue.
    Une dimension sociale évidente mais qui peut se révéler délicate à gérer en effet un webdoc reste l’oeuvre d’un auteur avec son point de vue. Cela souligne là encore quel doit être la place de l’auteur dans un système contributif. Création vs Social Contribution.
    Comment gérer l’ordinaire des témoignages ? Ne pas attendre trop des utilisateurs et de leurs contributions. Toutefois même si les témoignages sont banals, une mise en scène pourrait rendre le dispositif amusant. Le projet le plus drôle et léger qui nous a été presenté. Un webdoc qui a tout à fait sa place dans la paysage, après tout le web est aussi un espace de divertissement et de jeux.

    Vito Robbiani semble tout à fait consceint des limites des contributions (UGC) et de sa place dans son propre dispositif. Ces témoignages mis bout à bout m’ont fait furieusement pensé à Krzysztof Kieslowski – Gadające głowy aka Talking Heads (1980), c’est vrai que l’on peut faire plus drôle !!!

    Source : Krzysztof Kieslowski – Gadające głowy aka Talking Heads full movie (1980)
    http://www.youtube.com/watch?v=66CbSfuyxTU

  • 8. “zim.doc” (ACA/WFOZ/TALATALA) de Rabía Williams, Espagne

    Une radioscopie des 30 dernières années de la société zimbabwéenne
    Une république périphérique sous la puissante influence de son voisin d’Afrique du Sud, ex Rhodésie du Sud. Un pays exténué par la guerre, harassé par l’abominable Robert Mugabe, bref un cauchemar.
    Un projet éminemment féminin, né d’un processus de co-création entre le Zimbabwe, L’Espagne, le Brésil et la Slovénie
    Le “making of” très agile est presque plus intéressant que le projet lui-même. Le projet est très // trop ambitieux, mais par contre les contributrices sont toutes remarquables.

Quelques photos du festival Visions du Réel de Nyon

Le festival Visions du Réel de Nyon

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